- CELTIQUE (MER)
- CELTIQUE (MER)La mer Celtique est une mer épicontinentale, largement ouverte vers l’océan Atlantique, qui s’étend entre l’Irlande, le pays de Galles, les Cornouailles britanniques et la Bretagne armoricaine. Ses caractères hydrologiques particuliers, la texture et la disposition des sédiments sableux qui la tapissent et son intense fréquentation par les pêcheurs en font une mer bien individualisée.Limites, bathymétrie et nomenclatureLa mer Celtique forme la transition entre l’Océan et les mers épicontinentales, mieux définies, qu’enserrent les îles Britanniques et la Bretagne: Manche, canal de Bristol, mer d’Irlande. Ses limites sont arbitrairement fixées à des droites joignant les caps (île Vierge, cap Lizard, Hartland Point, Saint Gowan’s Head, Saint David’s Head, Carnsore Point) et, du côté du large, à l’isobathe de 200 m. Dans ces limites, elle s’étend sur 550 km du nord au sud, et sur 450 km d’est en ouest, couvrant environ 184 000 km2.Sa profondeur est généralement supérieure à 100 m, sauf dans les 30 ou 40 km (localement 100 km) les plus proches des côtes. Sur un plateau relativement monotone, vers 130 ou 140 m, de grands bancs de sable forment les seuls reliefs; les principaux groupes de bancs portent les noms de Grande Sole et de Petite Sole.La mer Celtique méridionale (les Western Approaches des marins anglais) est séparée de la mer Celtique septentrionale par une ligne joignant les Sorlingues à la Grande Sole. Dans la suite de cet article, on utilisera aussi les subdivisions entre mer Celtique orientale (jusqu’à 70 de longitude) et mer Celtique occidentale, et entre une moitié externe et une moitié interne, séparées par une droite joignant Fastnet Rock au phare d’ar Men.Géophysique et géologieLa mer Celtique occupe l’emplacement de deux géosynclinaux formés, à partir du Jurassique, par l’étirement du socle hercynien: l’un va de la Sole à la mer d’Irlande, l’autre du Banc de la Chapelle à l’île de Wight. Le géosynclinal de la Manche est le mieux connu; transversalement, il semble dissymétrique, le socle plongeant assez régulièrement du nord vers le sud à partir des côtes britanniques alors que le versant armoricain est fait d’un escalier de failles. Il en est probablement de même pour l’autre géosynclinal, dont le flanc est souligné par une grande faille que suit la fosse des Small’s.Le remplissage sédimentaire de ces géosynclinaux, commencé dès le Jurassique (ou même, localement, dès le Trias), a été particulièrement rapide au Crétacé, puis à l’Éocène. Les terrains correspondant à ces deux périodes et représentant déjà 1 000 m entre le Cotentin et le Devon s’épaississent vers l’ouest, où la puissance des sédiments semi-consolidés est estimée à 3 000 m près de l’escarpement continental. Le plateau continental, du côté de la Sole, serait donc un plateau construit. Cette construction semble se poursuivre aujourd’hui, au moins sur la partie externe du plateau continental. Aussi les roches en place y sont-elles généralement voilées par les sédiments quaternaires récents. On pense cependant que le massif dévonien (truffé d’inclusions granitiques) qui entoure les Sorlingues se prolonge vers l’ouest-sud-ouest jusqu’au-delà de 70 ouest, tandis que le bombement (tertiaire ou peut-être même quaternaire) qui a rajeuni les monts de Wicklow s’est manifesté en mer jusqu’à 510 de latitude et a porté à l’affleurement les roches dévoniennes et carbonifères affectées par les plissements hercyniens.Les plaines de la mer Celtique orientale sont généralement installées sur le Crétacé, seules les régions proches des axes synclinaux portant du Tertiaire (surtout du Paléogène).Histoire quaternaireLa majeure partie de la mer Celtique a été exondée à plusieurs reprises au cours du Quaternaire. Mais sa partie septentrionale a connu alors des avancées, mal délimitées, de la calotte glaciaire britannique. Il semble qu’au cours de l’une des glaciations, la langue glaciaire issue du canal Saint-Georges soit allée jusqu’aux bancs Labadie et Jones, qui seraient les restes de moraines frontales. Mais les glaciations les plus récentes n’ont affecté que le nord-est de la mer Celtique, le reste du plateau recevant alors un modelé subaérien du type périglaciaire humide, avec ruissellement concentré saisonnier. C’est alors qu’ont été façonnées les grandes vallées fluviales, larges et peu encaissées, par lesquelles se déversaient les eaux de la Seine et de la Severn et les eaux de fonte de la langue glaciaire. Quant à la fosse des Small’s, elle semble être née d’un ombilic de surcreusement glaciaire.HydrologieLa mer Celtique est si largement ouverte sur l’Atlantique que les caractères de ses eaux sont étroitement contrôlés par l’hydrologie de l’Océan.Au large de la mer Celtique, les eaux superficielles (jusque vers 300 à 500 m de profondeur) de l’océan Atlantique sont tièdes (9 ou 10 0C) et moyennement salées (environ 35,5 p. 1 000): c’est l’eau centrale nord-atlantique , issue des régions tropicales bordières de l’Amérique du Nord, et animée d’une dérive vers le nord-est grâce à la conjonction du Gulf Stream et de la branche septentrionale du tourbillon tropical nord-atlantique. Cette eau poursuit en mer Celtique sa dérive vers le nord-est.Anormalement chaude pour cette latitude, cette eau réchauffe, en hiver, l’air qui la surmonte, et adoucit ainsi le climat des contrées voisines. C’est pourtant alors qu’elle est le plus froide (9 0C au nord, 10 0C au sud) et, lorsque des vagues de froid entraînent un refroidissement supplémentaire de l’eau de surface, celle-ci plonge vers le fond et circule au ras du fond jusqu’à l’escarpement continental, qu’elle dévale ensuite selon certains itinéraires préférentiels. Ce phénomène de «cascade» apporte de l’oxygène aux eaux profondes et y favorise la vie animale.En été, une stratification marquée s’établit au sein de cette masse d’eau, les 35 m supérieurs s’échauffant peu à peu jusqu’à une température voisine, en août, de 16 0C. À l’automne, les eaux superficielles se mêlent progressivement aux eaux de fond, restées relativement froides, et la thermocline s’abaisse en même temps que la température de surface, jusqu’à ce que, les tempêtes poursuivant le brassage, l’homothermie soit réalisée à partir de décembre.En hiver, la salinité est la même sur toute l’épaisseur de la tranche d’eau, avec des variations régionales. En été, une stratification analogue à celle des températures s’établit, l’eau de surface étant sensiblement moins salée.L’onde de marée arrive du sud, avec un marnage inférieur à 5 m en vives eaux, et le flot, diffus, n’engendre que des courants de marée relativement médiocres; l’amplitude s’accroît dans les golfes (jusqu’à 16 m dans l’estuaire de la Severn). Le courant de jusant, qui sort des golfes ou des mers bordières en filets concentrés, est généralement plus vigoureux que le courant de flot. Il porte au sud et au sud-est, longeant les côtes des deux Bretagnes, et maintient là des fonds libres de vases, faisant en outre migrer les sables vers le sud-est.Les dépressions du front polaire, qui parcourent la mer Celtique, surtout en hiver, y engendrent des vents violents, généralement de secteur ouest. Quand ces vents durent, ils engendrent des courants de vents, portant vers l’est et le nord-est, qui sont parfois assez puissants pour contrebalancer les courants de jusant, et provoquer des surélévations durables du niveau de la mer, notamment en mer d’Irlande.Si les tempêtes émues par les vents locaux rendent pénible le travail des pêcheurs, ce sont les houles longues de nord-ouest, venues des régions encore plus éventées du Labrador et du Groenland, qui exercent la plus forte action sur le fond. La moitié interne de la mer Celtique ressent peu ces houles longues, étant abritée par la corne sud-ouest de l’Irlande, et c’est surtout dans la partie externe que ces houles modèlent en grands bancs les sables du fond.GéomorphologieEn dehors des fonds rocheux proches du littoral, où les sédiments discontinus qui occupent les couloirs entre les roches sont surtout faits de cailloux et de sables à Bryozoaires, la répartition des sédiments en mer Celtique est dictée par l’action des deux principaux agents morphologiques: les courants de jusant dans la partie orientale, les houles de nord-ouest dans la partie externe.Au sud de l’Irlande, où aucun de ces deux agents n’a une vigueur particulière, les dépressions (et en particulier le sud de la fosse des Small’s) sont tapissées de vase ou de sable vaseux.Dans la partie externe du plateau continental, à l’ouest de 70 ouest, les grandes houles de nord-ouest, agissant à peu près seules, ont façonné les sables (surtout leur fraction coquillière, plus mobile) en grands bancs perpendiculaires à la direction des houles (voir carte des sédiments: l’axe des bancs est presque méridien dans la partie sud-est, où les houles d’ouest franc jouent un plus grand rôle). La largeur de ces bancs est souvent de 5 à 10 km, leur longueur d’une soixantaine de kilomètres, et leur crête domine couramment d’une cinquantaine de mètres les plaines sablo-vaseuses qui les séparent. Bien qu’on les considère parfois comme des formes dues à la migration actuelle des sables, le fait qu’ils n’aient pas oblitéré les vallées fluviales pléistocènes implique que leur migration, si elle existe, soit très lente. Par contre, leur forme semble varier un peu: il existe localement, rehaussant la crête, des pyramides de sable analogues aux ghourds des dunes désertiques. Rencontrées occasionnellement par certains sondages, ces petites formes sont localisées avec trop d’imprécision pour qu’on puisse les retrouver et les étudier. Jusque près du rebord, on a signalé ainsi plusieurs cotes inférieures à 50 m. Il semble plausible que ces surélévations soient éphémères, naissant lors de périodes de forte houle pour s’effacer progressivement ensuite. Il se pourrait même que les émersions de bancs sableux, signalées jadis par des marins sous le nom de «vigies de la mer» ne soient pas seulement des hallucinations d’ivrognes...À l’est de 70 ouest, les courants de jusant sont le seul agent morphologique important, sauf dans la partie externe. Eux aussi façonnent des rides de sable, mais très différentes: ces ridins , perpendiculaires à la direction du jusant, et dissymétriques (le flanc raide à l’aval), dépassent rarement 30 m de commandement, et cinq ou six kilomètres de longueur. Mais ils sont groupés en trains le long des itinéraires préférentiels des courants. Ainsi l’un de ces trains, large d’une trentaine de kilomètres, s’étend du large de Plymouth jusqu’au banc de la Chapelle. (Les ridins du sud-ouest de Sein sont figurés dans l’article ACCUMULATIONS MARINES.)Dans la partie de la mer Celtique qui est à la fois externe et orientale, à l’est du banc de la Chapelle, houles de nord-ouest et courants de jusant agissent concurremment. Les trains de ridins se faufilent dans les dépressions entre les grands bancs et atteignent ainsi l’escarpement continental. Ce dernier, dédoublé localement par des terrasses, issues peut-être d’affaissements locaux, est profondément raviné par le passage de ces sables et d’autres sédiments entraînés par les eaux de cascade.Biologie et exploitationLe brassage annuel des eaux et le phénomène de cascade entraînent une extrême prolifération du plancton, et par conséquent des poissons. La morue, qui fréquentait autrefois la mer Celtique, tend à la délaisser aujourd’hui, peut-être par suite d’une certaine élévation de température. Le maquereau, par contre, reste abondant. Le poisson de fond, surexploité par les chalutiers dont les passages trop fréquents ont fini par détruire l’équilibre biologique des fonds, est beaucoup moins abondant.Dans les fonds rocheux proches des côtes, la pêche aux gros crustacés (notamment les homards), moins susceptible de tels abus, continue à donner quelques résultats.
Encyclopédie Universelle. 2012.